Le décodage de l'ADN a permis l'essor des tests génétiques et ces derniers deviennent accessibles au grand public via Internet. Ces tests permettent de confirmer le diagnostic de certaines affections, d'en dépister et même de prédire un risque de développer des maladies. Ils laissent aussi entrevoir des possibilités de thérapies géniques, de régénération cellulaire, de clonage.
Il est important que les acteurs du système de santé connaissent les applications de ces tests, les risques, bénéfices et les limites de ces dépistages génétiques, les lois qui les encadrent et les enjeux économiques qui en découlent.


Ce blog est créé dans le cadre du Diplôme Universitaire de Journalisme Médical de l'université Paris Descartes. Nous essayerons d'aborder les sujets sous forme d'articles journalistiques et attendons vos commentaires.


18 févr. 2008

Vers une médecine prédictive ?

La nouveauté est la possibilité, par l'analyse des gènes, de définir la probabilité de développer certaines maladies. Allons-nous pratiquer une médecine prédictive ? Et ces prédictions seront-elles préventives ?

La médecine prédictive est le dépistage de la susceptibilité d’un sujet en bonne santé apparente de développer une maladie, avec certitude ou probabilité, selon le caractère génétique dominant, récessif ou pluri-factoriel de cette maladie.

On a répertorié à ce jour près de 4000 maladies mono géniques mais de nombreuses maladies sont multigéniques, voire multi-factorielles (la prédisposition génétique n’est alors qu’un facteur influençant la maladie). On teste actuellement 150 à 200 gènes de façon courante. Cela permet souvent un diagnostic, parfois l’identification de porteurs sains et de temps en temps le dépistage de maladies inéluctables avant les premiers symptômes.
Parmi ces milliers de maladies à composantes génétiques, on choisira de parler des plus connues, mais aussi des plus graves, des plus redoutées, de celles dont les dépistages génétiques sont proposés en accès libre sur la Toile. Pour d'autres, des traitements ou des thérapies géniques sont en vue.

  • Du stade embryonnaire à l'enfance, on surveille les gènes

Le diagnostic prénatal, avec notamment le dépistage de la trisomie 21, fut une des premières utilisation médicale des tests ADN. L 'amniocentèse répond actuellement en France aux indications suivantes : femme de plus de 38 ans au moment de la grossesse, dépistage maternel sérique anormal, anomalies échographiques suspectes, découverte d'une anomalie chromosomique lors d'une grossesse antérieure ou chez l'un des parents ou dans la fratrie.

Le diagnostic pré-implantatoire est plus sujet à discussions ; il permettrait d'écarter avant leur implantation des embryons porteurs de gênes non désirés : quels gênes écarter ? Il reste néanmoins utile pour le choix du sexe dans les pathologies liées aux chromosomes sexuels ou pour dépister une maladie héréditaire incurable, type chorée de Huntington.
Le caryotype est aussi utile lors des bilans de stérilité, lors des fausses couches spontanées à répétitions et chez les parents d'un enfant porteur d'une anomalie chromosomique.
http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pediatrie/diagnostic_prenatal.htm

A la naissance, le caryotype est indiqué lors des syndromes dysmorphiques, des retards psychomoteurs, des ambiguïtés sexuelles ou chez l'enfant mort-né, en l'absence d'autre étiologie. Lors de la croissance, on peut être amené à chercher un Turner (retard statural), un Klinefelter (hypogonadisme et déficit intellectuel), un syndrome de l'Xfragile.
  • Quand gènes et facteurs environnementaux se lient

Certaines maladies ne se développent que par l’association de gènes et de facteurs environnementaux.

L’asthme est une maladie multigénique, mais c’est l’interaction avec les facteurs environnementaux qui va déclencher les crises. Il en est de même pour le psoriasis. http://www.respir.com/doc/abonne/pathologie/asthme/AsthmeGenetique.asp et http://www.therapeutique-dermatologique.org/print.php?article_id=283&paragraphe_id=11329


L’intolérance au lactose est dans certains cas héréditaire, de transmission autosomique récessive ; son diagnostique reste avant tout clinique.

La maladie cœliaque est également une maladie à composante génétique certaine, mais nécessite l'ingestion de gluten pour se manifester. Son diagnostique est clinique ou ana-pathologique.
http://www.swiss-paediatrics.org/paediatrica/vol18/n1/pdf/19-21.pdf.
http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/corpus/disciplines/hepgastro/pathtdbas/hp1/leconhp1.htm#.

  • Des gènes qui favorisent les maladies inflammatoires
Les fièvres récurrentes héréditaires sont des maladies autosomiques récessives liées à des mutations du gène MEFV sur le chromosome 16, mais d’autres gênes non identifiées ce jour pourraient également être en cause. Elles se manifestent par des fièvres récurrentes accompagnées d’inflammations des séreuses (péritoine, plèvre) et leur principale complication est l’amylose inflammatoire

La polyarthrite rhumatoïde est liée à un polymorphisme nucléotidique sur une région du chromosome 9 porteuse de deux gènes impliqués dans les mécanismes de l'inflammation chronique TRAF1 et C5, mais le typage HLA n’est pas utile au diagnostique.
Le gène CARD15/NOD2 intervient dans la maladie de Crohn
  • Et d'autres gènes protègent les porteurs d'un virus
Trois gènes fortement impliqués dans les mécanismes de résistance au virus HIV ont été identifiés récemment chez certains individus. http://www.unil.ch/webdav/site/presse/shared/communiques/2006-2007/CHAVI_Telenti.pdf

  • En cardiologie, la connaissance des facteurs génétiques pourrait servir la prévention

Parmi les prédispositions cardio-vasculaires génétiques, la plus connue est sans doute
la prédisposition aux risques thromboemboliques chez les porteurs du facteur V Leiden
. Ce facteur est présent chez 5% de la population à l'état hétérozygote, mais seulement 8% développeront une manifestation thromboembolique au cours de leur vie. Son dépistage fait l'objet de recommandations éditées par l'HAS en septembre 2006 et il faut noter que si ces tests sont de prescription courante dans les cabinets de généralistes, ils ne devraient être prescrits qu'après concertation entre cliniciens et hématologues, si possible dans des centres spécialisés.

La mutation MTHFR augmente le taux sérique d'homocystéine
, ce qui constitue un facteur de risque de maladie cardiovasculaire, cérebro-vasculaire ou vasculaire périphérique. On trouve 12% d'hétérozygotes pour cette mutation dans la population.

Les anomalies situées sur les chromosomes 1 et 9 prédisposeraient aux formes précoces d’infarctus du myocarde.

Enfin les cardiopathies hypertrophiques familiales, le syndrome du QT long congénital, et certaines cardiomyopathies dilatées sont d'origine génétique.
  • Ces gènes qui vous imposent un régime

Les facteurs génétiques interviennent pour 25 à 40% dans l'obésité, mais plus de 400 gènes semblent liés à l'obésité ! http://www-good.ibl.fr/.

Deux diabètes de type 2 mono géniques sont identifiés : le diabète mitochondrial MIDD, lié à la mutation 3243, représente 1 à 2% des diabètes de type 2 en France. Il survient précocement, en moyenne vers 38 ans, chez des patients souvent à IMC normal, et se complique rapidement d'atteinte rénale, rétinienne, de surdité, de dystrophie maculaire. II est mono génique et de transmission maternelle. Le diabète MODY, de transmission autosomique dominante, débute également précocement, vers 25 ans en moyenne ; une quinzaine de mutations génétiques est actuellement connue comme responsables de ce diabète. Les formes multigéniques de diabète sont également à l'étude, dans l'optique de dépister dès l'adolescence les personnes à risque et de développer des mesures hygieno-diététiques efficaces.

L'hémochromatose familiale
touche 0,5 % de la population. C'est une maladie plurigénétique héréditaire, dont la forme la plus fréquente est due à une mutation du gène HFE situé sur le chromosome 6, forme autosomique récessive ; 2 mutations C282Y et H63D ont été identifiées. Le diagnostic est établi par la mise en évidence de la mutation. Son dépistage est indiqué en cas d'augmentation du taux du fer sérique et doit répondre aux recommandations de l'HAS.www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/fiche_de_synth_350se_hfe-1_finale.pdf http://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/hemochromatose-FRfrPub92.pdf

  • Quand la transmission d'un patrimoine favorise les cancers

On estime aujourd'hui que des altérations génétiques sont à l'origine de 5 à 10 % des cancers.
Ainsi la polypose recto-colite familiale, responsable de 1% des cancers colo-rectaux, est liée à une altération du gène APC du bras long du chromosome 5 ; cette mutation induit la formation de multiples polypes intestinaux dont certains évoluent inéluctablement vers un cancer. Le dépistage de ce gène dans les familles à risque permet un traitement préventif, à savoir une coloscopie de dépistage tous les 6 mois dès l'adolescence, avec polypectomie voire colectomie préventive ; à corollaire, les adolescents non porteurs de la mutation n'ont pas à subir des coloscopies répétitives.
http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=733

Certains cancers du sein sont liés aux gènes BRCA1 sur le chromosome 17 ou BRCA2 sur le chromosome 13. Le caractère précoce et le nombre important de personnes atteintes dans une famille permettent d'orienter les patients vers une consultation génétique. Ces cancers représentent 5% à 8% de la totalité des cancers du sein.
L'anomalie du gène BRCA1 prédisposerait également au cancer des ovaires ; faut-il chez ces porteuses préconiser une ovariectomie préventive après l'âge des grossesses ?


Le cancer de la prostate
aurait une prévalence plus importante dans certaines familles ; les mutations génétiques sont en cours de décryptage. http://www.revmed.ch/infos/article.php3?sid=2897

Les syndromes de néoplasies endocriniennes multiples : le type 1 se transmet sur le mode autosomique dominant. Il est dû à des mutations inactivant le gène suppresseur de tumeurs MEN1. Ce gène est situé sur le chromosome 11q13. Cela se traduit par la prolifération de tumeurs, surtout des glandes parathyroïdes, du pancréas endocrine et de l'antéhypophyse. Le type 2 est une maladie héréditaire rare et complexe caractérisée par la présence, chez un même patient, d'un cancer médullaire de la thyroïde (CMT), d'un phéochromocytome unilatéral ou bilatéral (PHEO) et d'une hyperplasie et/ou d'une néoplasie d'autres tissus endocrines. La prédisposition à NEM2 est due à des mutations germinales activatrices du proto-oncogène c-RET sur le chromosome 10q11.2. Ils doivent faire l’objet d’un suivi et d’éventuels gestes chirurgicaux préventifs.

Le retinoblastome est d'origine génétique (mutation du gène RB1).

La leucémie myéloïde chronique est confirmée par la présence du gène Philadelphie (3 ;13)(q35 ;q14). Ce gène est recherché chez les personnes atteintes de LMC car il constitue également un indice pronostique.
  • Vos gènes vous feront-ils perdre la tête ?
Les gènes interviennent dans certaines maladies dégénératives.
Le gène de l’APOE4 serait associé à près de 20 % des cas de maladie d’Alzheimer. Quelques formes monogéniques précoces et rares de la maladie sont associées à des mutations des gènes APP, PS1 et PS2 http://ist.inserm.fr/basisrapports/alzheimer.html

La Chorée de Huntington est une maladie dégénérative qui débute vers 40 ans ou plus tard et pour laquelle on n'a ni traitement préventif ni traitement curatif, mais pour laquelle on peut dépister une prédisposition génétique.
Certaines formes de dégénérescence maculaire , de myopathies monogéniques, certaines cécités ou surdités sont également d’origine génétique.

Et pour finir, on vous recommande
  1. un power point de l’institut Curie sur les prédispositions génétiques aux cancers
    http://www.curie.fr/upload/conferences/predispositions-genetiques-cancer.pdf
  2. un tableau récapitulant chromosomes et pathologies associées
    http://www.senat.fr/rap/o99-020/o99-0200.html
  3. et les plus mordus sont invités à aller sur le catalogue des gènes
    http://ecgene.net/genecanvas/infusions/genecanvas/Genes/GenesList.php

1 commentaire:

Anonyme a dit…
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